Pour un engagement des écologistes à ne pas intervenir dans des médias à la ligne éditoriale d’extrême-droite
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Retrouvez ci-dessous la position adoptée en conseil fédéral des 1er et 2 juillet 2023.


Exposé des motifs

La montée de l’extrême-droite partout dans le monde est une menace face à laquelle nous devons être exemplaires en tant que parti politique.

En Hongrie, en Pologne, en Italie, elle est maintenant au pouvoir. Là où elle était au plus bas, elle revient depuis quelques années, comme en Espagne ou en Allemagne.

En France, les signaux sont alarmants :

  • Elle est arrivée au second tour des deux dernières élections présidentielles, en tête aux élections européennes de 2019, elle est aux responsabilités dans plusieurs villes de France et maintenant représentée à l’Assemblée par un groupe de 88 député·e·s Rassemblement National.

  • Ces derniers mois, des groupes néonazis ont défilé impunément dans les rues de notre pays dont Paris, Lyon ou Annecy.

  • On constate également une forme de complaisance à son égard de la part de Renaissance : en refusant de faire barrage contre elle dans certaines circonscriptions lors des élections législatives, en favorisant sa prise de responsabilités à l’Assemblée, en reprenant des éléments de son langage et en mettant sur un pied d’égalité l’extrême-droite et ce qu’il nomme l’extrême-gauche.

  • Et plus largement, le discours de l’extrême droite a imprégné l’espace public.

Face à cette situation et à l’heure où de nombreux médias se battent pour préserver leur liberté de parole, nous, écologistes, devons être fermes sur nos valeurs. Le Bureau Exécutif avait déjà acté que nos représentant·e·s ne devaient pas intervenir dans ces médias et ces émissions. Pourtant ces interventions ont encore lieu.

Il nous paraît donc nécessaire, y compris à l’aube de la campagne pour les élections européennes, que notre parti et chacun de ses représentant·e·s amené·e·s à s’exprimer publiquement s’engage à boycotter les médias et les émissions à la ligne éditoriale d’extrême-droite, comme par exemple CNEWS, ou Valeurs Actuelles, qui participent à l’ascension de ce camp politique.

Rappel des principales raisons :

  1. La médiatisation de leur thèses et de leurs représentant·e·s favorise la montée de l’extrême droite :

    Une plus grande visibilité médiatique contribue à normaliser les discours et les idées d’extrême-droite en les présentant comme une alternative politique valable. Lui donner de la place dans le débat public participe à son succès.

    Cela a été démontré lorsque l’extrême droite a été réadmise dans le débat public français. Le 13 février 1984, Jean Marie Le Pen a été reçu à une heure de grande écoute sur Antenne 2, lorsqu’il n’existait que deux chaînes nationales. Cela avait suscité une forte opposition de la presse et des manifestations. Le record d’audience a été battu, et cela a participé à ce que le Front National (FN) soit passé de 15 à plusieurs milliers d’adhésions par jour et les résultats du FN aux élections augmentent considérablement. Il passe de 0.35% aux élections législatives de 1981 à 10.95% aux élections européennes de 1984 après cette interview. 

    La stratégie de banalisation du RN, facilitée par ces médias, a fonctionné. Il est maintenant présent au Parlement et il existe pour les chaînes de télévisions et les radios une nécessité de lui donner dans une certaine mesure du temps de parole. Mais ces médias d’extrême-droite accordent une place démesurée et continue à son discours, ses élu·e·s et ses soutiens.

    Ils jouent un rôle moteur dans l’exposition des citoyen·ne·s français·e·s à leurs thèses et participent activement à son succès électoral. L’écologie politique doit être un rempart à l’idéologie, au programme et à l’aversion pour la démocratie de l’extrême-droite.

  2. Des médias au traitement inéquitable, en quête de sensationnalisme et de polarisation :

    Dans ces médias, le format des émissions fait qu’il est impossible pour des partis de gauche et des mouvements progressistes d’obtenir un traitement équitable ou une représentation adéquate de nos idées et de nos positions écologistes et sociales. La participation de personnes progressistes à ces médias d’extrême-droite contribue à banaliser ces médias et des positions qu’ils promeuvent.

    La possession par quelques milliardaires d’une grande partie de la presse française, pose un problème démocratique conséquent. Les propriétaires et les annonceurs de ces médias exercent une influence significative sur les choix éditoriaux.

    Les opposant·e·s à l’extrême droite ne peuvent pas s’y exprimer dans un cadre garantissant leur expression sereine. Féministes, écologistes, militant·e·s taxé·e·s de wokisme en permanence sont les objets de critiques privilégiés des éditorialistes de ces médias, un motif récurrent de débat.

    La reprise en continue par exemple par la chaîne C News de la critique faite par Marine Tondelier de ses orientations et le déchaînement de cyberharcèlement ayant suivi sont une énième preuve d’une tactique de ciblage et d’esseulement. Ces chaînes de télévision, tout comme la presse écrite d’extrême droite, sur exploitent des thèmes comme l’immigration, l’identité nationale et la sécurité ce que l’économiste Julia Cagé nomme les 3I: Islam, Immigration et Insécurité.

    Et l’effet est tangible : selon une étude de France Culture sur la campagne présidentielle de 2022, le thème de l‘immigration a été celui le plus abordé dans les médias alors qu’il était seulement le 9ème thème de préoccupation des Français·e·s. Cette stratégie a pour but de renforcer la place de l’extrême-droite dans le pays et force est de constater que cela a effectivement un impact.

  3. Des condamnations par la justice :

    Les thèses et propos xénophobes, racistes, antisémites, islamophobes, validistes, misogynes et homophobes y sont courants et banalisés, à tel point que plusieurs condamnations ont été prononcées.
    À titre d’exemples :
    • Valeurs Actuelles a été condamné en 2022 pour injure raciste contre la députée Danièle Obono.
    • Valeurs Actuelles toujours avait fait l’objet en 2015 d’une condamnation pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers les Roms.
    • CNews a décidé de maintenir à l’antenne Jean-Marc Morandini malgré sa condamnation pour corruption de mineurs
    • CNews toujours a donné une place prépondérante à Éric Zemmour, condamné à trois reprises pour provocation à la haine raciale.
    • La chaine C8 va devoir payer plus de 4 millions d’euros d’amende infligés par l’Arcom depuis le début suite aux injures envers les élu.es Louis Boyard et Anne Hidalgo et les publicités mensongères de son animateur Cyril Hanouna. 

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’intervenir dans ces médias où il est impossible pour nos partis de gauche et les mouvements progressistes d’obtenir un traitement équitable et une représentation adéquate de nos positions écologistes et sociales n’est pas acceptable.

Participer à leurs audiences minimise les propos et positions discriminatoires qui y sont exprimés. Refuser d’y aller et le faire savoir est essentiel pour participer à identifier clairement EÉLV en opposition complète à ces lignes.

Motion

Le conseil fédéral d’EÉLV :

  • Réaffirme son attachement à la presse libre et indépendante, soutient les journalistes et société de journalistes qui œuvrent pour défendre la liberté de la presse.

  • Rappelle qu’en phase avec ses engagements de lutte contre l’extrême droite, EÉLV refuse sa représentation dans des médias à la ligne éditoriale d’extrême-droite.

  • Appelle les représentant·e·s et adhérent·e·s d’EÉLV à refuser les invitations de ces médias et émissions, y compris lors des campagnes électorales, et à ne pas y publier du contenu, et a contacter les Porte-Parole d’EELV en cas de doutes.

  • Demande au Bureau Exécutif d’EÉLV de communiquer sur cet engagement, de faire un rappel systématique de cette position aux représentant·e·s et adhérent·e·s d’EÉLV qui y dérogeraient, et de développer un plan de formation sur les médias et la riposte aux discours d’extrême droite.

  • Propose l’inclusion de cet engagement dans la charte d’engagement des candidat·e·s à des élections.

  • Mandate la commission lutte contre l’extrême droite pour, en particulier, travailler le sujet de la concentration des médias et de leur glissement vers l’extrême droite et les solutions que le projet EELV peut y apporter. 

La lutte contre l’extrême-droite est une priorité. Cela passe notamment par une opposition claire et ferme aux médias qui la soutiennent.